DE SAINT-MÉDARD EN JALLES
lA poudrerie
La poudrerie de Saint-Médard-en-Jalles se développa entre 1660 et 1679 à l’initiative du Sieur Dupérier fondateur de la poudrerie.
A la fin du 15e siècle, Geoffroy de Montaigne, oncle de l’illustre Michel de Montaigne, est seigneur de Bussaguet et de Lamothe-Gajac. A ce titre, il possède le château, le moulin et le village de Gajac, ainsi que sur la rive droite de la Jalle les biens « La Fon », le Castéra et le fief de Corbiac.
les origines de la poudrerie
Le 19 novembre 1660, par acte dressé par maître Arnoult Vigier, notaire royal de Bordeaux, Jehan Dupérier achète à Henri de Montaigne, descendant de Geoffroy et conseiller du Roi au Parlement de Bordeaux, un terrain « par bail à fief, (le bail à fief est une vente déguisée) pour 600 livres et une rente annuelle et perpétuelle de 4 livres, au lieu-dit Le Castéra, situé entre Caupian et Gajac, ainsi que l’eau de la Jalle qui le traverse » pour y construire des moulins à poudre « et non des moulins à moudre le blé. » Il en construira six.
Trois années plus tard, une explosion détruisit les moulins et tua Jehan Dupérier.
Extrait de Jean-Michel Tauzia, La poudrerie de Saint-Médard-en-Jalles 1660-2010, 350 ans d’histoire
Chronologie des origines de la poudrerie de Saint-Médard-en-Jalles
La poudrerie de Saint-Médard-en-Jalles, fondée en 1660, n’a malheureusement pas conservé ses anciens moulins à poudre, maintes fois reconstruits après les explosions qui ont marqué son histoire. L’un de ces moulins, situé sur la Jalle, n’existe qu’à l’état de fondations enfouies sous la végétation, non loin du château du Castéra. Les bâtiments qui encadrent ce qui fut la cour d’honneur de l’ancienne poudrerie sont les derniers témoins de cet ensemble monumental.Ils ont été édifiés vers 1827, peu de temps après le pont de pierre extérieur à l’usine, réalisé en 1826, après accord entre le maire de la commune et le commissaire en chef de Bussy, et grâce à la générosité de J.-B. Courau.Si l’on compare les constructions présentes de nos jours, propriétés de la SNPE, avec les cartes postales du début du XXe siècle, on remarque que l’essentiel des bâtiments composant la cour d’honneur a survécu, sauf la bâtisse pourvue d’une horloge qui fermait la cour à l’intérieur et une grosse entrée principale de la poudrerie nationalecheminée en briques, détruites aujourd’hui. La place qui la précède, où se retrouvaient les ouvriers à l’embauche ou sortant du travail, est toujours présente avec ses arbres, platanes et chênes.
l'entrée de la poudrerie
l'incendie de la poudrerie
Dans l’après-midi du mardi 15 octobre 1901 un violent incendie a détruit la moitié du bâtiment 14 et tout ce qui s’y trouvait. Le bâtiment 14 était un des plus importants de la poudrerie tant par ses dimensions (30 mètres de long, 20 de large) que par les produits qui y étaient stockés et les appareils de fabrication qui y étaient installés. Il était séparé dans le sens de la longueur par un mur de protection très épais devant empêcher le feu de se propager d’une partie à l’autre de la construction Comme tous les autres bâtiments il était construit en fer et maçonnerie, les cloisons étaient en briques de liège et la toiture en zinc. Il bénéficiait de mesures de sécurité importantes.
Dans ce bâtiment on procédait au traitement, au retraitement disaient les ouvriers, de la poudre hors d’usage renvoyée à l’établissement. Il s’agissait de poudre qui avait fait l’objet d’une expédition outre-mer ou à un corps de troupe en campagne. Il était d’usage de retourner à la poudrerie la poudre non utilisée. Cette poudre dite «éventée» subissait un traitement qui lui rendait ses propriétés premières.
Monsieur DOU, l’actif et sympathique directeur de la poudrerie, avait fait procéder à des aménagements devant permettre au personnel de fuir en cas d’explosion. Les ouvriers travaillaient en plein air, ils étaient simplement protégés de la pluie par un auvent qui avait été installé tout le long du bâtiment.
Ce mardi après-midi dix-huit femmes se trouvaient sous l’auvent et sept hommes étaient à l’intérieur du hangar. Tous les jours à quatre heures un quart il était distribué du lait aux ouvriers travaillant dans ce bâtiment; ce fut à cet instant précis qu’un baril de poudre prit subitement feu. Un seul ouvrier se trouvait dans la bâtiment, les autres étaient à l’extérieur sous l’auvent, buvant leur tasse de lait avec les femmes. Aucune imprudence n’ayant été commise, personne ne fumant, la poudre n’ayant subi aucune secousse on ne s’explique pas comment le feu a pu se déclarer. Il n’y eut ni explosion, ni détonation à peine un grondement évoquant un roulement sourd de tonnerre.
Monsieur DOU dont l’habitation était proche du bâtiment 14 fut rapidement sur les lieux, le feu atteignant déjà le milieu du hangar. L’homme qui se trouvait à l’intérieur avait pu sortir à temps, les flammes lui avaient à peine léché le visage et roussi les cils et les cheveux.
La moitié du bâtiment brûlait, le danger était grand, il y avait là des bacs d’alcool et d’éther, de la poudre en grande quantité, environ mille kilos, et un outillage de prix Les flammes s’élevaient à une grande hauteur, on a même cru que la poudrerie allait être anéantie.
Monsieur DOU et l’ingénieur DALSACE virent que le compartiment qui contenait de la poudre et de l’alcool pouvait être sauvé si l’on retirait les récipients pleins de poudre avant qu’ils ne soient la proie des flammes.
A la tête d’une équipe d’ouvriers dévoués, disciplinés et faisant preuve de courage et de sang froid, lngénieur parvint à arrêter l’incendie qui attaquait le compartiment contenant la poudre qui a pu ainsi être évacuée. Les quatre pompes de la poudrerie étaient en action empêchant la propagation de l’incendie.
A cinq heures et demi l’incendie ne s’étendait plus, les murs de protection ayant résisté à la chaleur, la seconde moitié du bâtiment put être en grande partie préservée. Les lames de poudre qui n’avaient pas été entièrement consumées étaient enlevées à main d’homme et noyées dans la Jalle, les bacs d’alcool étaient retirés au moyen de gaffes jusqu’au dépôt principal de sable.
A neuf heures du soir le déblaiement pouvait commencer, l’incendie étant complètement éteint. Durant toute la nuit les ouvriers de la poudrerie travaillèrent à étaler sur Te sable les décombres du bâtiment 14 dont il ne restait rien de la partie atteinte par le feu.
Il n’y eut à déplorer aucun accident grave de personne, l’ouvrier travaillant à l’intérieur du hangar et une ouvrière à proximité du baril à l’origine de l’incendie, n’avaient été que légèrement brûlés.
Les pertes importantes ont été chiffrées au minimum à 80.000 Francs.Le courage et la compétence des ouvriers ayant participé à la lutte contre l’incendie avaient évité des pertes humaines et la destruction de nombreux appareils de fabrication ce qui aurait entraîné un long chômage pour l’établissement.
On pénètre dans la cour par un grand portail aux piles en pierre de taille, surmontées de la traditionnelle bombe de fonte enflammée. La grille en fer forgé est ornée dans sa partie supérieure d’un motif en fer de lance. Sur la partie basse des deux vantaux métalliques de ce portail, on reconnaît le motif en relief de deux fûts de canons entrecroisés.
De chaque côté de ce portail monumental, un mur bas rejoint un bâtiment massif disposé en retour d’équerre. Ces deux bâtiments rectangulaires et de construction soignée comportent deux niveaux en élévation, séparés par un bandeau saillant, le toit couvert de tuiles creuses est à deux versants.
Entrée principale de la poudrerie
Véhicule de sécurité incendie
Une équipe d'employés de la poudrerie
la poudrière de berlincan
Venant de Bordeaux par la route départementale n° 6, après avoir traversé le bourg du Haillan, ce quartier d’Eysines promu commune en 1867,franchissant le ruisseau d’Hustin “frontière” naturelle avec Saint-Médard-en-Jalles, on parvient au lieu-dit Berlincan au niveau du rond-point aménagé, au cours du dernier trimestre 2005. Au centre de celui-ci, sur un piédestal, une œuvre en matériau composite-carbone, conçue par SERVANT-ERMES symbolise “l’Homme et la Science en l’espace temps”.
Entre ce carrefour circulaire desservant la zone industrielle de Berlincan et celui qui donne accès au centre commercial de Bordeaux-Ouest, se situent , à droite, dans un cadre verdoyant, outre une bâtisse en pierre, deux courts de tennis et un boulodrome gérés par l’Association Touristique Sportive et Culturelle des Administrations Financières(A.T.S.C.A.F.). Au fond de cet enclos où une luxuriante végétation faits, écran aux lotissements et ensembles résidentiel siège depuis plus d’un siècle et demi, la poudrière de Berlincan. Ces terres appartenaient à la lin de l’Ancien Régime vrai- Une des deux galeries.semblablement au sel- A gauche, regard de ventilabongneur de Lamothe-Gajac, Gabriel de Basterot, conseiller au parlement de Bordeaux. Orthographié BERLINKAN en 1796, BERLINQUAN avec terminaison D ou T puis BERLINCANT en 1830-1850. Après la guerre de 1870-1871, la graphie employée était BERLINCAMP ou BERLINKANT avant d’être au début du XXe siècle simplifiée, en BERLINCAN utilisée de nos jours.
Lors de la séance du 26 décembre 1846, le maire Frédéric THEVENARD faisait part aux membres de son conseil municipal d’une correspondance émanant du directeur des contributions indirectes de Bordeaux, lui proposant l’achat d’un terrain d’une superficie avoisinant un hectare et demi pour l’implantation d’un magasin à poudre. Malgré quelques réticences évoquées (dangerosité de l’établissement engendrant une diminution de la valeur vénale des propriétés), le conseil municipal mandatait le premier magistrat pour mener à bien cette proposition.
L’administration susnommée envisagea donc, en mai 1847, la construction d’un magasin à poudre au lieu-dit Berlincan, sur un terrain communal jouxtant la route départementale Bordeaux-Lacanau et les propriétés des sieurs Jacques BAQUEY et Guillaume MARTIN. Après l’approbation des devis en mai et l’adjudication des travaux en août 1849, la construction de la poudrière fut réalisée l’année suivante comme en témoigne la date gravée sur la pierre maîtresse du sous-sol (7 bre 1850 c’est-à-dire septembre 1850).
D’aspect un tantinet forteresse, cette imposante et austère bâtisse rectangulaire aux murs fort épais, abrite une vaste salle d’une superficie avoisinant les deux cents mètres carrés. Sur chaque longueur de celle-ci,sensiblement à deux mètres du sol, cinq ouvertures en arc plein cintre d’un demi-mètre de rayon protégées par des armatures métalliques et des grillages à grosses mail-les, laissent choir quelques rais de lumière sur un plancher grossier. Le plafond en briquettes,quelque peu détérioré,permet d’entrevoir une robuste charpente façon-née. En cette salle s’effectuaient, jusqu’au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, réceptions st manu-tentions des poudres de chasse en provenance des poudreries d’Angoulême et de Bergerac transitant parcelle de Saint-Médard, identifications, ensachages et ordonnancements des commandes pour les armuriers de la région bordelaise. Par une trappe extérieure on pénétrait au sous-sol du bâtiment où la poudre était stockée. Deux larges galeries de pierre, voûtées, séparées par le soutènement central portant la date de construction de la poudrière, étaient munies de regards de ventilation permettant le stockage optimal de la poudre. L’ensemble de l’édifice était de surcroît protégé, au-delà des deux mètres par un mur d’enceinte, de hauteur fort respectable, hérissé de pointes en fer acérées et d’un réseau de barbelés. Sur ce mur sont encore visibles de nos jours deux paratonnerres sur les fa-ces sud-ouest et nord-est. La porte à deux battants, en façade sud, donnait accès à un vestibule où de part et d’autre de celui-ci se positionnaient deux guichets réservés aux transactions commerciales. La poudre de chasse était livrée par les entrepôts aux débitants(armuriers, dépôts divers, particuliers) en rouleaux r-vêtus d’une vignette indiquant l’espèce et le poids.Constituant un monopole, la vente des poudres à feu,prix fixé par la loi, était gérée par l’administration des contributions indirectes. Dans les années 1884-1888,en perspective d’extension, s’engagèrent des échanges épistolaires entre la municipalité de Charles CHAUMEL et la Raffinerie nationale de Bordeaux. Le prix proposé par la commune (un franc le mètre carré)-étant jugé trop élevé par l’administration, non seule–ment les pourparlers furent interrompus et en avril 1890 la suppression de la poudrière semblait inéluctable. Il n’en fut cependant rien puisque, en juillet 1891, le maire Frédéric DELMESTRE, considérant l’impossibilité de laisser un magasin à poudre abandonné à la garde d’un seul employé, demandait au préfet de la Gironde, le renforcement du service de garde. A cette époque, le quartier de Berlincan n’était pas ce qu’il est aujourd’hui : le dénombrement de 1906 mentionnait quatre maisons, quatre ménages, seize individus dont un retraité, médaillé militaire, Victor François GETTE garde magasin…
Au cours de la Grande Guerre, un détachement en armes cantonna dans le corps du bâtiment parallèle à la route départementale, servant actuellement d’appartement de fonction au responsable des lieux.
L’inspection des contributions appelait, en septembre 1929, l’attention du maire Antonin LARROQUE “sur l’importance des explosifs entreposés dans la poudrière ainsi que sur les mesures de sécurité qu’il y aurait lieu de prendre contre les dangers éventuels d’incendie pouvant provenir de la forêt communale avoisinante”
La poudrière de Beilincan fut au cours de la dernière guerre, vraisemblablement comme la poudrerie nationale, sous contrôle des troupes d’occupation. On ne peut affirmer qu’elle eut, durant cette période, un tant soit peu d’activité. Il fallut attendre la Libération pour revoir Cyprien MARTIN, citoyen du Haillan “adjudicataire” des transports de poudre, renouer jusque dans les années cinquante, avec les convoyages entre la poudrerie, la poudrière ou encore la gare avec, fonction oblige, beaucoup de discrétion et un mutisme obstiné. Puis la poudrière s’est tue.
Aussi afin de conserver ce patrimoine, la municipalité de Serge LAMAISON, lors de la séance du 30 mars 2004, a jugé opportun d’acquérir une partie du terrain mis en vente par I’ État st sur lequel figure la poudrière de Berlincan qui ne fait, à ce jour, l’objet d’aucun projet bien défini.
Place de la poudrerie nationale - entrée des ouvriers
Trappe d'accès extérieur
La façade de la poudrière
Mur d'enceinte côté est
L'une des deux galeries (avec regard de ventilation sur la gauche)